Sarah a une certaine soif de vivre, une hargne de battante qui ne se laisse pas abattre par les coups du sort. Certes née avec une cuillère en argent dans la bouche, ayant reçu une éducation très bourgeoise et choyée plus que nécessaire, elle était toute prédisposée depuis sa tendre enfance à devenir cette garce pourrie gâtée qu'elle a été pendant ses premières vingt et une années. Narcissique, égocentrique, il était même très difficile de déceler les qualités qui se cachaient sous le joli capot de la jeune femme. Comment croire qu'une telle personne tournée sur les apparences et la superficialité puisse un jour devenir cette jeune femme qui se soucie du bien-être des siens, attentive, douce, protectrice et bienveillante ? Elle a un sens de la famille très exacerbé.

C'est qu'elle s'est adaptée ( et sait s'adapter) la demoiselle, face à la nécessité. Pour autant, a-t-elle cessé d'apprécier qu'on se préoccuper également d'elle ? De se soucier de son apparence physique, à défaut maintenant de celle des autres ? Même pauvre, elle aime être très propre et bien présenter.

Elle possède toujours des goûts de luxe (aime les bonnes choses) et elle a la naïveté de penser que cette sale période de sa vie n'est qu'une étape à franchir avant de pouvoir recouvrer un certain standing. C'est aussi ce qui la pousse à être ambitieuse (sans chercher à écraser autrui pour autant) et à se donner les moyens de parvenir à ses fins, en dehors du fait de vouloir s'émanciper, s'affranchir, vivre par elle-même et sauver l'enfance de ses deux frères. Quitte à faire quelques erreurs ( fatales ou non) de parcours. C'est également ce qui lui maintient la tête hors de l'eau. D'ailleurs, le sport lui fait également un bien fou à ce sujet, mais elle ne peut pas cacher que c'est aussi pour s'entretenir et maintenir cette apparence de jolie femme.

Ceci dit, s'il lui est arrivé par le passé de tricher, et de manipuler les gens pour obtenir menues faveur, aujourd'hui, elle peut se montrer d'une loyauté indéfectible et insoupçonnée. Pour elle, un secret est un secret, et elle est capable de le conserver jusque dans la tombe quand il s'agit des gens qu'elle aime ou de protéger aussi ceux qu'ils aiment. Ce n'est d'ailleurs pas elle qui a balancé Pablo, vous vous en doutez bien.

Elle aime la vie, mais elle aime aussi les gens, et se montre très sociable et aimable à leur encontre. Bien qu'elle ait conservé son caractère de cochon quand un truc ne lui plaît pas et qu'il arrive qu'elle se montre assez capricieuse quand elle juge que le jeu en vaut la chandelle ou que quelque chose lui tient tout bonnement à cœur. Elle peut alors se montrer très opiniâtre. De la même façon, si elle ne veut pas de quelque chose, elle ne se laissera pas faire comme ça. A la hauteur de ses possibilités évidemment. Par contre, attention, elle a plutôt bonne mémoire. Revancharde, non ? Opportuniste, cela pourrait bien lui arriver. Il est un gestionnaire de club de strip-tease qui risque de le payer si la vie lui apporte ce qu'il faut pour.

C'est une personne assez ouverte, patiente, mais dont il ne faut pas abuser de sa gentillesse. Elle peut se montrer passionnée, affectueuse, attentionnée et sincère. Quand elle vous aime, elle vous aime en entier, pas à moitié.

Sarah est également une personne fière plus qu'orgueilleuse en réalité. Elle ne va pas aimer qu'on la reprenne sur des choses ou qu'on se montre hautain. Et surtout, elle ne va pas aimer qu'on la prenne en flagrant délit de « faiblesse ». Enfin, la vie lui a permis d'apprendre qu'il valait mieux parfois s'asseoir sur sa fierté que de chercher à tout le temps à avoir raison. Certaines situations l'exigent. Cela ne l'empêche pas d'avoir une certaine dignité qui a pris un peu cher face à de grosses leçons d'humilité. Ceci dit, l'orgueil n'est jamais très loin et il se pourrait qu'un jour, il repointe le bout de son nez pour une énième raclée du destin.

La jeune femme est très gourmande, surtout depuis quelques années, quand la mère de son ex lui a appris à cuisiner des plats venus d'ailleurs ( elle ne cuisine pas comme une déesse même si elle se débrouille bien et ses techniques restent à améliorer), pour lesquels elle a désormais un goût prononcé et il n'est pas rare qu'elle s'essaie à découvrir ou revisiter des mets de tout horizon malgré un budget restreint.  La nourriture a beau être son pêché mignon, elle ne va pas se jeter sur les pâtisseries, mais plus sur les fruits et les plats goûteux. Plus jeune, elle était plutôt avide de la junk-food, mais pouvoir entretenir son corps passe par une nutrition plus saine, à laquelle elle s'essaie depuis deux bonnes années. Le fitness et ses exigences...

Elle est également aficionada de peinture, et arts picturaux en tous genres, dessinant surtout assez bien. Hélas, elle est persuadée que ses croquis sont restés chez son ex.  Elle a ce rêve secret de voyager partout tout autour du globe et pourquoi pas vendre quelques toiles à l'occasion. A court terme, devenir coach sportif en fitness fait partie de ses ambitions.

Fin d'une enfance dorée:
 
- Non mais t'aurais du voir... Elle était FA-BU-LEUSE! *prononcé à la française*

Les ongles longs manucurés posés sur le combiné du téléphone étaient ornés de motifs de pattes de chiens. Sa propriétaire  passait le temps au téléphone avec sa BESTA  dans la file d'attente du Starbuck, parlant bruyamment, se souciant peu de savoir si elle dérangeait son entourage proche ou moins proche. Cela faisait quelques mois qu'elle avait fêté son anniversaire et il lui était INDISPENSABLE de faire étalage de la nouvelle robe qu' elle s'était vu offrir avec les cartes de crédit de papa pour aller avec sa somptueuse nouvelle poitrine qu'elle s'était faite aussi refaire mais ceux-ci aux frais de son loser de petit ami qui avait enfin réussi à trouver un job pour la financer. Peut-être qu'elle pourrait envisager son avenir avec lui. Surtout qu'il lui avait promis de payer son prochain tatouage pour leur anniversaire de rencontre.

-... Et il paraît que... si si... Mais c'est écrit là, je te dis... Et aussi dans le journal...
-Ouais mais... et... Tu crois....
-La pauvre... Ouais... enfin je sais pas.... parait que c'est une sacrée pétasse... pas de pitié pour sa gueule ...
-... mais tu crois qu'on devrait...
-ALLO, ALLO! Je vais devoir te laisser, y'a des meufs qui sont encore en train de jazzer sur moi.. Oh non t'en fais pas, c'est devenu fréquent depuis mon opération... La jalousie tu sais... Sarah! Un latte... Avec deux sucres! Non,c 'est pas à toi que je parle... Je prends ma commande je...

La dénommée Sarah voit sa carte bancaire refusée.

-Du liquide? Non mais est-ce que j'ai une gueule à me promener avec du liquide sur moi? Quand on est à mon standing on... Quoi? Comment ça? Je dois revenir avec de l'argent ou sinon rien? Pfff! De toute façon votre café est dégueulasse! Vous ne perdez rien pour attendre! Mon père vous fera fermer et vous serez tous au chômage! Il est influent vous savez!
-....Tu vois... Je te l'avais dit... Une vraie ...

Elle se retourne vivement, fusille du regard les deux femmes qui faisaient des messes basses depuis leur arrivée et qui maintenant la fixait d'un air surpris:

-Qu'est-ce qu'il y a les guenons?! Vous voulez ma photo comme modèle pour vous faire refaire le portrait? Hors de mon chemin les sous-merdes!

Elle ne prend pas le temps d'attendre et fonce dans l'épaule de l'une d'entre elle en rageant:

-Mais quoi que vous fassiez vous n'arriverez jamais à mon niveau d'excellence!

Elle sort du starbucks en trombe et raccroche avec sa meilleure amie pour appeler sa mère:

-Allô! Je ne sais pas ce que vous avez foutu avec papa mais ma carte ne fonctionne plus! Comment ça me calmer? Quoi???... Qu'est-ce que tu rac... Mais vous êtes sérieux! On est à sec?! Mais comment je vais faire pour partir à Dubaï avec mes copines! On devait aller faire des shootings photos! Papa ne pouvait pas se faire arrêter à la fin des vacances! Non mais vraiment!

Dans la vie il existe toute sorte de gens et il existe autant de nuances:

A peine quelques jours après l'arrestation de son père, Sarah apprend qu'il a fraudé fiscalement, usé de contrebande, trompé sa femme, frayé avec des gens pas très recommandables, détourné des fonds... Bref, un bon palmarès pour le voir coffré la majeur partie de sa vie restante.

Comme si l'annonce de la perte intégrale de la fortune familiale avec le mauvais placement de certains capitaux en bourse et la dégringolade de ses propres affaires, faisant fermer sa propre boîte ne suffisait pas, tous leurs bien furent confisqués pour mise en vente aux enchères dans les jours à venir. Une façon comme une autre d'éponger une partie des dettes contractées par le géniteur.

Assise sur les dernières marches d'escalier en marbre de la villa, bien qu'elle portait encore  sur son dos l'unique tenue qu'on lui avait concédée de garder, son haut de survêtement orange criard et un shorty, accompagnés de sous-vêtements et de basket, elle se sentit plus nue que jamais. Les genoux ramenés vers la poitrine, elle attendait sa mère qui avait entamé une discussion privée depuis une dizaine de minutes avec son agent immobilier à l'étage.

Bientôt des bruits de pas se font entendre dans la maison vide. Tout résonne à présent. L'agent immobilier est le premier à venir s'adresser à elle:

-Au revoir Sarah... Bon courage pour toi endurer cette période, cela ne doit pas être facile et...
-Votre braguette est encore ouverte vous savez...

Sourire éloquent, triomphant, il lui tapote alors affectueusement le dessus de sa capuche:

-A plus tard...
- Ouais c'est ça... Euh... Et, comment ça à plus tard?!
-On doit se revoir bientôt ta mère et moi... Elle a encore quelques dettes à éponger auprès de nous... Dommage que tu sois encore un peu jeune....

En disant cela, il lance un regard assez pervers sur sa poitrine qui se dessine sous son vêtement, et elle se sent sale alors qu'en règle générale elle est en quête d'attention, aimant être adulée et attirer les regards. Surtout quand il se permet de venir ponctuer sa phrase en lui caressant lentement la lèvre inférieure du pouce et lui examine presque la dentition comme une jument et qu'une bosse se dessine déjà de nouveau sous la braguette qu'il remet en place sous ses yeux sans la moindre pudeur. Elle n'a que 21 ans. Elle n'est pas sortie de Saint-Cyr et même si elle est née avec une cuillère en argent dans la bouche, elle sait très bien ce que tout cela signifie même si elle s'était étrangement abstenue de consommer auprès de ses nombres ex petits amis jusqu'ici. Oh bien évidemment, ils avaient bien obtenu quelques compensations en échange, histoire de les faire patienter.

Toujours était-il qu'elle n'aimait pas ça. Encore moins en voyant sa mère descendre ensuite un sourire épanoui aux lèvres, son expression faciale trahissant une drôle de fierté.

Heureusement que Jack et Nathan ses petits frères étaient encore à l'école ce jour-ci pour ne pas assister à cela.

-Je ne sais pas si Chris te l'a dit, mais nous pouvons garder la maison jusqu'au procés de ton père! Cela nous laisse un peu de temps de mettre de l'argent de côté!
-Non mais tu te fiches de ma gueule?!

La jeune fille aux nombreux tatouages payés par ses petits amis et son propre père éclata soudainement:

-Il a fallu que papa nous retire Dubaï, les fringues de marque et de luxe, mon maquillage, mes collections de DVD et mon inscription à Yale qu'il avait financé! Et toi tu nous retires notre honneur?! Tu me dégoutes! J'ai plus d'argent, plus de plaisirs! Plus de loisirs, et plus d'avenir et toi tu te permets de faire la pute  pour réparer les conneries de papa avec le premier mec qui arrive et !

En deux temps trois mouvements, sa joue se colora d'une marque rouge. Elle se tue, hébétée. Jamais sa mère, plutôt douce et patiente n'avait jamais levé la main sur elle. D'un naturel plutôt soumis d'ailleurs, elle leur avait toujours tout laissé passer à elle et ses frères, à son père.

-On a encore un toit sous lequel vivre! Souviens-t'en!

Sa mère n'avait jamais travaillé, mais apparemment, elle venait de se découvrir une nouvelle vocation. Ce qui ne fit que se confirmer quand l'agent revint dans l'après-midi même avec quelques matelas, quelques trucs à manger et un réchaud pour toute la famille et alla s'enfermer à l'étage avec sa mère, pendant que Sarah s'occupait d'aller rechercher ses plus jeunes frères à l'école voyant que sa mère ne redescendait pas et lassée d'entendre certains bruits qui trouvaient aisément écho entre les murs. C'était bien la première fois qu'elle s'occupait d'autre chose que d'elle-même. Sur le trajet qu'elle effectua à pied, cette fois sans chauffeur, sans privilèges, elle le mit à profit pour réfléchir et réalisait à quel point la vie allait devenir compliquée dans les jours à venir.

Sur le chemin du retour, Jack et Nathan n'arrêtaient pas de la questionner. Pourquoi c'était elle qui était venue les chercher? Pourquoi cela avait été compliqué pour qu'elle les récupère elle-même, pourquoi, pourquoi, pourquoi, qui répondaient aux siens, silencieux.

-On ne va pas à la maison ce soir, je vous amène chez Miguel..

Les jumeaux de huit ans exécutèrent alors une sorte de danse foldingue en s'excitant, et en scandant le surnom de Miguel l'idiot de petit copain qui avait accepté de les héberger au moins pour quelques nuits, dés lors que l’orgueilleuse Sarah l'avait appelé en pleurs à l'aller, toutes ses amies même sa BESTA ayant cessé de donner signe de vie dés lors qu'elles avaient pris connaissance de la situation financière de leur "amie". Autant dire que les frangins appréciaient le jeune homme à sa juste valeur et qu'ils avaient su voir en Miguel ce qu'elle-même n'avait pas réussi à déceler.

-Je peux pas les laisser là-bas, tu comprends? J'ai pas confiance en ce type et j'ai pas spécialement envie de découvrir ce dont il est capable.

Miguel, le loser devenu héros les avaient rejoints en voiture peu après leur départ de l'école pour les récupérer en chemin dans la vieille guimbarde cahotante qui lui servait de voiture. Pour la première fois, la demoiselle était aux anges de se trouver dans ce véhicule qui ne payait pas de mine. Surtout que Miguel avait quitté son lieu de travail pour les acheminer jusqu'à son appartement pour repartir ensuite:

-Tiens, voilà les clés, ça paye pas de mine, c'est un peu le boxon, un peu petit, mais vous y serez au chaud et en sécurité... J'ai appelé ma mère. Elle s'occupera de vous le temps que je rentre... J'y retourne sinon je risque de perdre ma place au garage. Tu m'en veux pas?

Même si ses mains pleines de cambouis puaient, elle les attrapa chaleureusement dans les siennes quand elle l'embrassa pour le remercier:

- A ce soir!

Ce n'est qu'une fois rentrée dans la petite maisonnette dans laquelle Miguel vivait avec sa mère, qu'elle se rendit compte à quel point il s'était démené pour lui offrir son opération. S'il vivait ici, c'est qu'il ne gagnait pas grand chose et qu'il avait dû mettre toutes ses économies, son sang et sa sueur pour gagner sa croûte. Et faire des tas d'heures supplémentaires pour satisfaire ses moindres désirs.

Elle eut honte, quand elle apprit de la bouche de la mère de son copain qu'il vivait avec elle, car veuve et seule depuis la mort de son mari survenu dans l'année, elle n'avait pas les moyens pour subvenir à ses propres besoins seule, avec son propre salaire de femme de chambre:

-Pourquoi tu pleures mon enfant?
-Rien... Ce sont les oignons...

Carmen lui apprenait à cuisiner, quand c'est arrivé, et les oignons furent un prétexte tout trouvé pour camoufler ce qu'elle ressentait. Un mélange de gratitude et de dégoût d'elle-même, de tristesse. Une prise de conscience qui n'iraient pas sans d'autres.

Quand ses frères furent mit aux lits et avant de s'endormir dans les bras de Miguel pour la première fois, elle avoua:

-J'aimerais rester ici... Je trouverais un travail, je tirerais mes frères de chez ma mère...
-Tu restes autant que tu veux... Mais tu sais tu n'as jamais travaillé... Et même si tu t'émancipes, tu ne pourras pas forcément t'occuper de tes frères. Ils risquent d'être placés si jamais on juge qu'ils sont en danger... Tu devrais attendre d'avoir un vrai travail pour t'occuper d'eux et...
-OUI! M'émanciper! Bien-sûr, c'est ça que je dois faire!
-Non, je crois que tu ne te rends pas bien compte de...

Jamais Miguel n'avait rien exigé d'elle. C'était même son seul petit ami à n'avoir rien entreprit avec elle,  mais ce soir-là, elle lui montra sa reconnaissance en le faisant taire d'une pression de ses lèvres sur les siennes, puis plus au sud. Ce qui coupa court à la discussion.

Une gifle, deux... On ne dit jamais deux sans trois.

La troisième gifle arriva un peu plus tôt que prévue.

Dés le lendemain, la jeune femme se mit en quête de trouver un travail. Après tout, elle vivait à L.A. depuis des lustres, on la connaissait, cela ne devrait pas poser problème..

-Tu sais des fois, on se fait une idée de nous-même... Mais en fin de compte, les autres n'ont pas la même vision de nous, avait essayé de lui faire comprendre Miguel avec tact quand elle lui avait dit qu'avec son corps de rêve et les relations qu'elle s'était faites à la fashion-week de l'année précédente, elle trouverait vite une place dans une agence de mannequinat en vogue.

Évidemment, on lui avait gentiment fait comprendre qu'une plastique avantageuse ne faisait pas tout et qu'elle devrait revenir avec un book et une opinion un peu moins haute d'elle-même si elle comptait ne serait-ce que postuler dans le milieu. Elle était repartie vexée de la première agence, en les insultant presque de tous les noms d'oiseaux et en clamant qu'ils n'y connaissaient absolument rien. Pas du genre à se laisser abattre, elle était repartie motivée et passé sa journée à faire la tournée des agences de L.A., son choix se portant sur les petites par défaut puisque les grandes n'avaient pas voulu d'elle.

A la fin de la journée, elle finit par faire une croix dessus mais la leçon n'était manifestement pas encore apprise puisqu'elle réitéra ce genre d'exploits dans des clubs de strip-tease  les plus branchés. On lui rit à la figure quand elle argua qu'on ne pouvait que l'embaucher vu qu'elle était bonne.

-Un conseil mademoiselle... Change ton fusil d'épaule. Personne n'a envie de se coltiner une chieuse à gérer tous les soirs, et la journée pendant les répétitions.
-Quoi ? On répète en journée ?
-Parce que tu crois vraiment que les filles viennent juste se tortiller du cul en improvisant à la barre ? Cela demande de l'entraînement, un entretien permanent de ton corps, de faire de l'exercice physique...  Préparer les chorégraphies...
-Oh je vois...
-Si tu veux un job pépère, c'est pas à la bonne porte que t'as frappé ma mignonne... Mais...

Le gérant, « plus patient » que les autres, la poussa doucement près de son bureau dans lequel ils discutaient depuis quelques bonnes minutes :

-Je pourrais peut-être faire un effort... Si tu me suces...
-Pardon ?!
-Ou une petite branlette espagnole... C'est vrai que t'es sacrément bonne...

La jeune femme pensa à ses motivations premières, à savoir s'émanciper, éloigner ses frères de leur mère qui les mettaient en danger... Et quelques minutes plus tard, elle s'essuya les lèvres avec un mouchoir, la tête basse,  murmurant de honte :

-Alors, je l'ai le job ?
Tu plaisantes ? C'est la pire pipe qu'on m'ait taillée au monde ! Dégage de mon bureau maintenant, tu m'as fait perdre trop de mon temps déjà gamine ! Et reviens jamais ! Trouve-toi un job de nettoyeuse de chiottes, ça sera plus dans tes compétences vu tes capacités intellectuelles limitées...

Se sentant pleine de dégoût pour elle-même et à cause de ce qui venait de se produire, elle ne rentra pas directement chez Miguel. Elle rentra dans le premier bar qu'elle croisa sur son chemin et alla se forcer à vomir dans les toilettes. Elle se rinça et se nettoya la bouche et releva la tête pour se mirer dans la glace. Son reflet lui renvoya une drôle d'image d'elle-même. Son regard d'ordinaire pétillant ne brillait plus autant et elle méprisa ce qu'elle voyait dans le miroir. Alors qu'elle se préparait à donner un coup-de-poing  dedans, une femme la poussa d'un coup de fesses :

-C'est bon, tu t'es assez regardé, t'es jolie cocotte... Maintenant, tu veux bien me laisser me laver les mains ?

Elle lui fit un doigt d'honneur avant de quitter les lieux.

Rentrée chez Miguel, qui l'attendait sur le pas de la porte avec agitation, elle fonça droit vers l'entrée :

-T'étais où ? T'as vu l'heure qu'il est ? Ce n'est pas toi qui parlais de te montrer responsable hier et tout le tralala ?
-J'étais en ville, je cherchais du boulot !
-Et tu pouvais pas m'appeler quand t'avais fini, au lieu de rentrer à pieds ! C'est dangereux ici, dehors, la nuit, tu le sais bien !
-J'avais besoin de marcher et de rester seule !
- Ah oui,ça c'est sûr que c'est une réponse valable voyons... Pourquoi ?!
-C'est pas tes oignons !
-Bien sûr que si tu es ma petite amie !
-Je suis pas ta petite amie ! Je me suis jamais comportée comme une véritable petite amie avec toi ! Je suis qu'une connasse ! Toi t'es gentil, tu nous héberges, emmène les garçons à l'école et moi je fais quoi ?! Je t'ai trompé ! J'ai fait une fellation à un type pour avoir un job et il s'est fichu de ma gueule en plus ! Je mérite pas toute ta gentillesse ! Depuis qu'on se connaît, je te fais tourner en bourrique en te faisant croire qu'on aura un avenir ensemble !

Miguel l'attrape par la taille alors qu'elle s'énerve toute seule, à le marteler de coup-de-poings et à pleurer, puis l'attire à lui pour tenter de la calmer :

-Tu es ma femme, quoique tu en penses. Je sais que tu m'aimes. Et ce n'est pas de ta faute, et je te pardonne, d'accord !

Elle continue à pleurer une trentaine de minutes contre son torse, déversant toutes les émotions contenues depuis ces quelques jours, tandis qu'il lui caresse le dos avec tendresse :

-Et ce connard, je le tuerais, je te le jure, je le tuerais... Mais en attendant, il va falloir que t'apprennes à donner des coups hein...
-... Tu devrais m'en vouloir là, je viens quand même de te dire que...
-Chut ! Il lui posa un doigt sur les lèvres pour faire taire ses protestations. Je sais que t'as pas d'argent, alors t'inquiète de rien... Mais quand je vais pas bien, me suffit de passer à la salle de sport avant de rentrer, et j'ai les idées plus claires quand je rentre... Tu verras, c'est la meilleure des thérapies... Je t'emmènerais. Je connais le gestionnaire. C'est un pote, il te laissera venir faire du sport quand tu veux. D'accord ?
-On peut aller à la salle ?
-Maintenant ?
-J'en ai bien besoin...

Elle se ressuya les yeux avec dignité, elle qui était décidée à ne rien lui dire avait explosé comme une madeleine mais elle se jura que cela ne se reproduirait plus.

-Je vais pas me laisser abattre à cause d'un premier couillon venu, n'est-ce pas ?
-N'empêche que lui perd rien pour attendre, dis-moi où c'est et je....
-J'ai pas envie que tu ailles en prison, ça en vaut pas la peine...
Mademoiselle Ritchard commencerait-elle à penser à autre chose qu'à sa famille et à elle-même ?
-Oh la ferme !

Miguel éclata de rire et la conduisit jusqu'à la salle de sport qui était fermée à cette heure-ci :

-Mais y'a personne ! On est venus pour rien...
-Fais moi confiance...

Il l'attira par la main, et ouvrit la porte arrière. Ils descendirent au sous-sol où une autre salle plus personnelle était aménagée.

-N'en parle à personne, sinon Pablo aura des ennuis... Ce soir y'a pas de matchs ni de paris alors c'est calme. Les autres jours faudra t'entraîner avant 21 heures. Si je t'amène là, c'est à titre exceptionnel...
-Et dire que j'avais peur que t'aies des ennuis à cause des forces de l'ordre...
-Tu es si naïve que ça, ou tu ne connais vraiment rien du monde qui t'entoure ?

Cela la vexe un peu, elle croise un moment les bras en signe de bouderie. Elle devrait le reconnaître. Ayant toujours vécu une vie de château, c'était compliqué pour elle de se rendre compte de certaines réalités :

-Non mais vraiment ? Tu crois que j'aurai pu continuer à nous entretenir ma mère et moi et t'offrir ton cadeau sans arrondir les fins de mois autrement... Et ensuite accueillir trois bouches de plus à nourrir ?
-Je... Je l'ignorais, oui...
-Jure que tu ne diras rien... Que tu me trahisses, je m'en fiche, mais Pablo risquerait de perdre ce pour quoi il a trimé jusqu'au sang toute sa vie...
-Je te le promets...

Ils passèrent une bonne partie de la nuit à s'entraîner puis éreintés, ils repartirent pour la maison après avoir pris une bonne douche.

UN juste retour des choses :

La semaine suivante, Miguel l'avait aidé à définir des objectifs professionnels, avaient dû restituer les enfants à leur mère non sans avoir signalé son comportement aux services sociaux. La preuve était que ses gamins avaient vécuplus d'une semaine en dehors de chez elle sans que cela ne l'alarme outre mesure, sans qu'elle songe ne serait-ce qu'à appeler sa fille ou bien à déclarer à la police que ses enfants avaient subitement disparus.

Sarah avait revu son niveau d'exigences professionnelles à la baisse et était désormais prête à se salir les mains. Si elle, désireuse de faire ses preuves, de se montrer plus humble et de changer sa façon d'être et de vivre pour devenir quelqu'un de meilleur, d'autres n'avaient pas oublié le comportement de garce et d'enfant pourri gâtée qu'elle avait pu avoir à leur encontre. Oui, elle était connue et reconnue dans beaucoup de recoins de L.A., mais pas pour les bonnes raisons. Elle n'était pas populaire, mais détestée.

Alors quand elle arriva la bouche en cœur pour postuler au Starbucks qu'elle fréquentait régulièrement autrefois et dans lequel elle était allée avant de tout perdre et qu'elle se retrouva nez à nez avec la serveuse injuriée, cette dernière ne se priva pas de lui rafraîchir la mémoire en lui faisant faire toutes les tâches les plus ingrates du métier.  D'autant plus qu'elle était passée manager et que c'était donc elle qui était en charge de donner son avis sur ses compétences à ses supérieurs.

A la fin de la journée, quand Sarah, fière d'elle, demanda si elle obtenait la place, la jeune femme lui offrit son plus beau sourire avant de secouer la tête.

-Non, désolée...
-Mais, j'ai bossé dur pour en arriver là, et je n'ai même pas encore servi les clients... Vous ne pouvez pas décider en une seule journée si... Enfin, donnez moi une autre chance, s'il vous plaît... J'ai vraiment besoin de ce job...
-Navrée... Je crains fort, que même en plusieurs semaines, et quoi que vous fassiez vous arriveriez jamais à mon niveau d'excellence! 
-Je vous demande pardon... J'ai changé, je me rends bien compte désormais que...
-Ce n'est plus mon problème. Bonne soirée Sarah. Et bonne chance dans votre recherche...

Ce soir-là, elle s'entraîna un peu plus fort dans la salle et le lendemain, elle se jurait qu'on lui offrirait sa chance. Elle prit le train pour la plus proche ville de L.A., là où sa réputation ne l'avait pas précédé, et décrocha un job d'apprentie en cuisine.

Elle réussit à monter son dossier d'émancipation et à l'obtenir au bout de quelques mois avec l'appuie de son petit ami. Tout roulait. Les journées étaient rythmées entre la fatigue, le train, le travail, les séances d'entraînements, le griffonnement de dessins qui l'aidaient à surmonter cette nouvelle vie laborieuse. Ses frères avaient été placés dans une famille d'accueil mais elle put les voir assez régulièrement en se dégageant du temps.

Tout aurait pu être parfait, si à l'approche de son procès, un mois avant, son père fut retrouvé mort et sanguinolent dans sa propre cellule. Personne, mis à part sa propre famille ne le pleurera. A la prison, personne ne regretterait ce "mystérieux" suicide assisté  (Godric coucou) ... Et au moins ça déblayait une geôle dans un pénitencier déjà trop fort rempli.

Elle vécut chez Miguel et sa mère les années suivantes. Au bout de deux ans, elle prit du galon dans son job, récupéra le poste de cuistot, le précédent partant à la retraite et entreprit même de se lancer dans le coaching sportif en parallèle, se payant son abonnement désormais seule. Elle réussit à mettre un peu de côté dans l'espoir d'un jour se marier avec son chéri qu'elle aimait plus que tout et pourquoi pas se mettre un jour à son compte. En attendant, elle avait suivi quelques formations sportives surtout basées sur le fitness. Tout était fait pour qu'elle se donne le moyen de ses ambitions.

Tout allait comme sur des roulettes. Jusqu'à ce jour où elle rencontra celui qu'elle appelle le tatoué. Ce n'était pas la première fois qu'elle l'avait vu traîner dans les parages. Elle aurait même juré l'avoir déjà croisé un soir de match de boxe clandestin au sous-sol. Il l'avait observé avec ce regard pénétrant qui lui glaçait les sangs. Oui, elle n'aurait pas pu l'oublier. Surtout qu'il semblait rôder dans les parages comme un vautour.

Ce matin-là, Miguel l'avait déposé à la salle avant de partir bosser. Comme elle ne prendrait son service que le midi, elle avait pas mal de temps pour s'entraîner. Comme ils projetaient de se marier depuis un moment, ils avaient discuté de cela avant de se quitter en s'embrassant à pleine bouche devant le distributeur :

-Tu es certaine que c'est ce que tu veux ? J'ai attendu 5 ans... Je peux attendre un an de plus... Et puis j'aime bien comment tu as toujours su me faire patienter jusqu'ici... Les jumelles  et toi hier soir c'était juste... Je me serais pas lassé de vous regarder jouer ensembles...
-T'as de la chance que je sois pas du genre jalouse... Mais... ça m'a fait prendre conscience que j'ai plus tellement envie de te partager maintenant... Donc oui... Je suis sûre... Ce soir... ça sera le grand soir... On se fera un dîner en amoureux.... Et je nous ai réservé une chambre à l'hôtel...
-Mais ça va nous coûter une blinde !
-Cela fait des années qu'on se prive d'autres sorties en dehors du sport... On peut quand même se faire plaisir... Pour une fois...


Le tatoué était venu une vingtaine de minutes après que Miguel l'aie quitté devant la machine pour aller bosser. Distraite à l'idée de se donner à son homme ce soir là, et songeant déjà à un plan romantique pour l'accueillir dans la chambre d'hôtel, elle avait mal réparti ses poids sur sa barre. Désormais couchée et s'apprêtant à soulever celle-ci, elle ressentit ce picotement dans la nuque. On la regardait... Il lui fit la remarque, ce qui la vexa profondément.

Contrairement à ses anciennes habitudes qu'elle avait mis de côté depuis qu'elle avait décidé de changer de vie, elle choisie de l'ignorer, et de feindre l'indifférence.

Elle pensait s'en être débarrassée et le soir, elle rejoignit son amour au restaurant. Il n'était pas encore arrivé quand elle y fut, parée de beaux atours et de ses plus beaux sous-vêtements pour l'occasion. Elle attendit une heure avant qu'on lui apporte un petit papier sur lequel était écrit :

« Ma chérie... Je n'ai pas pu finir plus tôt. J'ai pris sur moi de te rejoindre à la chambre d'hôtel... »

-Il aurait pu m'appeler quand même...

Déçue, mais qu'à moitié, elle le rejoignit donc, en se demandant comment il avait su où ce serait puisqu'elle voulait lui faire une surprise. En entrant dans la chambre, des tas de pétales de roses jonchaient le sol, les bougies, la décoration... Tout était à couper le souffle. Deux bouteilles de champagne les attendaient au frais dans un seau, et des flûtes les accompagnaient sur une desserte, ainsi que des fruits frais dans une coupe. Tout aurait été parfait... Mais il manquait Miguel...

Une enveloppe était posée sur le couvre-lit et son prénom écrit dessus :

« Désolée Sarah... Mais je ne vais pas pouvoir venir ce soir. J'ai bien réfléchi à la façon dont tu m'avais traité avant que je te sorte des ennuis, et je ne suis pas sûr d'être prêt à revivre cela. Et si ta véritable nature repointait le bout de son nez quand on sera mariés. Après tout... Tu as bien balancé Pablo... Oui, je sais que c'est toi. Je l'ai appris ce soir en quittant le boulot. Pas la peine de m'appeler pour nier. Je ne veux plus jamais te revoir, je ne veux plus de toi dans ma vie. Je ne veux plus jamais entendre parler de toi. Ne t'approche plus jamais de ma mère non plus, je n'ai pas envie de lui briser le cœur »

C'était on ne peut plus clair. Elle venait de se faire plaquer, elle se retrouvait sans toit et comme elle ne possédait pas grand chose lui appartenant, si ce n'étaient ses propres croquis personnels, elle n'allait pas s'aventurer à retourner chez lui.

La chambre était payée, le champagne et les fruits aussi. Elle délaissa ces derniers et but les bouteilles à même le goulot, jusqu'à la dernière goutte et s'endormit en pleurant après avoir ôté ses vêtements et s'être allongée sur le ventre. La nuit, dans son demi-sommeil, il lui avait semblé sentir un souffle chaud glisser le long de sa nuque et des mots prononcés à son oreille « Tu es ma propriété Sarah ». Le temps qu'elle se redresse sans pour autant chercher à couvrir sa nudité, il lui sembla avoir entraperçu une ombre massive du coin de l'oeil, avant de se rendormir, sans guère penser aux futurs lendemains difficiles et sans réaliser à quel point elle faisait partie d'une machination sordide la conduisant pas à pas vers l'ENFER.

• Un surnom ? :
Fessée

• Vous certifiez avoir plus de 18 ans : Yes

• Comment avez-vous connu Divine ? : Premier compte

• Un commentaire ? : Chop suey