En vous comptant l'histoire de Marc, j'ai tendance à penser qu'il n'y a pas grand-chose à dire sur ce garçon, qu'il est décidément trop banal. Il aurait pu lui arriver tellement d'aventures fantastiques ou hors du commun, mais ce n'est tout simplement pas le cas.

Marc est natif du Maine, plus précisément, il a vu le jour à Lewiston dans le sud de l'État. Autrement, vous l'aurez compris, il est d'origine française comme beaucoup de personnes dans ce coin du monde, à cela, rien d'exceptionnel. Il est le petit dernier de la famille avec un grand frère et une grande sœur. À ce titre, il a toujours été le petit chouchou de tout le monde et il a parfaitement su en jouer quand cela l'arrangeait.

À propos de ses parents, il faut préciser qu'il est issu d'une famille modeste mais aimante et concernée par le bonheur de ses enfants, ce qui explique que Marc ait pu faire de bonnes études et aller aussi loin dans la vie .

Les premiers moments de sa vie, justement, Marc se souvient d'une certaine instabilité, il y a vait beaucoup de déménagements parce que le père travaillait sur de nombreux chantiers : Lewiston, Augusta, Portland, mais également Bangor. La famille a même failli partir s'installer plus au nord du côté de Québec ou Montréal mais c'est un projet qui ne s'est jamais concrétisé. Tout cela pour dire que le petit Marc a vu du pays très tôt et qu'il connaît assez bien le Maine.

Finalement, tout ce petit monde a bougé à Boston, dans le Massachussets, un bon bassin d'emploi qui offrait plus de stabilité et plus de facilité pour les enfants pour étudier. Cependant, Marc n'a jamais oublié l'État qui l'a vu naître, ses montagnes, ses vertes collines, ses forêts, ses lacs. Boston c'était une autre vie, pas si désagréable, mais il s'était dit qu'à la première occasion, il retournerait à son point d'origine parce que c'était là qu'il était bien.

Marc était donc non seulement le chouchou de la fratrie mais c'était aussi le meilleur à l'école, pas forcément un grand bosseur, c'était même plutôt l'inverse mais il avait de grandes facilités si bien qu'il obtenait de bonnes notes sans forcer, sans se fouler, l'air de rien, sans se faire remarquer. Il a toujours passé pour un bon élève alors qu'il aurait pu être excellent, mais ce n'était pas son ambition.

Le garçon a toujours eu des idées plein la tête. Il voulait vivre avec les Indiens dans une réserve, être océanographe parce qu'il adorait la mer, pilote de ligne parce qu'il voulait beaucoup voyager, musicien pour monter son propre groupe de rock, espion pour ressembler à James Bond, s'engager dans l'armée pour être un super-héros comme le Captain America, sportif professionnel pour ressembler à ses idoles au hockey. Un jour, cependant, il a eu la révélation, un copain est tombé de skate, il l'a ramené à la maison, a désinfecté sa plaie au coude et lui a fait un bandage. Son camarade lui était reconnaissant et lui s'était senti utile comme jamais. Aider les gens, les soulager dans leur quotidien, voilà ce qu'il avait envie de faire. Pour la petite histoire, le camarade en question a quand même fini aux urgences pour quelques points de sutures. Il a refusé que ce soit Marc qui le recouse.

À compter de ce jour, le garçon se donna les moyens de ses ambitions et ses parents, voyant qu'il s'était trouvé une voie et qu'il était passionné, décidèrent de le soutenir de leur mieux. Doc, ce n'était pas le chemin le plus facile, mais  ça valait le coup d'essayer. Marc fut admis sans problème à la fac de médecine de Boston. Une chance pour lui d'ailleurs, depuis le Maine, sa famille menait une vie stable sans plus aucun déménagement et la capitale du Massachussets offrait toutes les opportunités à qui voulait s'en donner les moyens. Marc, d'année en année, s'était découvert une véritable passion, soigner, guérir, il était vraiment fait pour cela. Il a persévéré jusqu'à décrocher son diplôme de médecin et comme il entendait mener une vie trépidante, il choisit d’œuvrer au service des urgences. En matière d'émotions fortes, à Boston, on pouvait difficilement rêver mieux. Il allait vraiment voir de tout.

Le drame survint dans ses première années de médecin urgentiste, il prenait une pause par une froide nuit d'hiver devant le bâtiment des admissions. Il fumait tranquillement une cigarette, encore en blouse, mais c'était la fin de la journée, une journée de dingue, il n'avait pas arrêté, il avait plus que son dû, vu son lot quotidien de souffrances, de plaintes. Il regardait le ciel étoilé, bien dégagé, il n'avait qu'une envie, rentrer, prendre une douche et dormir deux jours d'affilée. Soudain, un  père vint le chercher, catastrophé, le suppliant de venir aider leur petit qui avait du mal à respirer et qui était resté avec sa femme à l'intérieur. Il répondit que sa journée était finie, qu'il y avait des médecins frais et compétents, qu'il fallait se montrer un peu patient. Mais cette journée n'était à nulle autre pareille, le service continuait d'être débordé par des admissions multiples car il venait d'y avoir une fusillade entre gangs dans les quartiers chauds de la ville, certains étaient vraiment mal en point. Dix minutes plus tard, l'enfant décéda, faute d'avoir reçu les premiers soins. Il aurait pourtant simplement fallu désobstruer ses voies respiratoires, c'était quelque chose d'anodin. Le père, éperdu de douleur, revint quelques jours plus tard pour frapper le jeune urgentiste. Par la suite, les parents portèrent plainte contre l'hôpital et contre leur employé. D'un point de vue strictement administratif, celui-ci n'avait rien à se reprocher, il avait été sur le feu toute la journée et au moment où le père du jeune enfant vint le trouver, il avait légalement fini sa journée depuis un quart d'heure. Il se trouvait simplement là, à décompresser, prenant le temps de souffler avant de rentrer. Moralement, c'était autre chose.

Marc prit une année de congé sabbatique, il ne pouvait plus exercer dans l'immédiat. Sa faute le hantait sans cesse. Il en profita pour sombrer dans la bouteille et faire toutes les conneries qui lui passaient par la tête. Puis un beau jour, il décida de se ressaisir avant de commettre l'irréparable. Soit il se foutait en l'air directement, soit il essayait de reprendre sa vie en main. Ne trouvant pas le courage pour la première solution, il décida de revenir aux sources et de démarrer une nouvelle vie loin de ses erreurs passées. Il décrocha un poste à Augusta. Il ne voulait plus travailler aux urgences, mais c'était à prendre ou à laisser et il fallait bien vivre, alors il prit, à contre-cœur. À côté de cela, il voulait mener une existence tranquille et retirée dans un endroit qui serait tout le contraire de la bouillonnante Boston. C'est ainsi qu'il jeta son dévolu sur Sabattus, un coin de nature, exactement ce qu'il recherchait. Il se prit une petite maison sur Elm Street en espérant, cette fois-ci, faire les bons choix.